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Une vie sans secret

Grand Prix de la "Nouvelle"
de la Société des Gens de Lettres (1999)


Une vie sans secret


« ...Vieux et enfants redevenus, dégustant chaque heure et saison de reste et la consolation absolue de cet amour-là, sa liberté placide, ses lenteurs et sa paresse confiante, et le nuage de lait qui assourdit, dans la porcelaine fine, l'opale du second thé, celui de cinq heures qu'on prend assez loger pour qu'il soit garant du sommeil et des rêves (c'est qu'on ne se couche plus 18_une_vie.htmlsi tard que ça - autant vous avertir: un cauchemar arrive bientôt). Ainsi d'Erda et de Salomon, au creux du vaste bercement de leur amour, le précieux amour hivernal économe de moyens et épargné de preuves, amour d'innocence où les journées sont comme le coeur parfumé d'un cake qui sous la truelle d'argent révèle ses fragilités beurrées et l'éclat sourd de ses fruits - et n'allez pas vous moquer des cakes, fruits confits et sucres lents qui nourrissent tout autant cet amour-là que les hantises, les inquiétudes au sujet de l'autre qui a pris froid, ce qui est une occasion pour s'empresser et l'autre éternue mignonnement, qu'il, qu'elle, asphyxie sous la serviette de l'inhalation piquante et fumante, ainsi des jours et saisons de cet amour de clémence, de cet étourdissement charmé qui est le vertige de l'amour des vieux pourvu qu'ils se soient donnés leur vie entière, qui devrait être celui de l'amour humain sans qu'on n'ait rien à donner du tout.
Vieux donc, et se surprenant à ces brefs petits rires sans raison, qui sont déjà rires de délivrance, confus de ne plus savoir pourquoi ils ont ri et de leurs mains cordées piochant dans un sac de bonbons acidulés, monstrueux d'une tolérance un peu hagarde, distraite - ainsi, ancestraux, lunaires et merveilleusement amis... Car fini des horreurs printanières du sexuel, du jeune amour sexuel, arrogant et méchant, qui va comme une chasse hurlante à la curée et au dépeçage convenu, fini de ces idioties défieuses de matador, de ces torses bombés, lèvres serrées, puis baisers mourants, croix et délices comme on le chante à l'opéra (...). Car fini de cette défaite infaillible du jeune amour, le sans respect blessant et tuant, de ce jeune amour à hormones bouillonnantes, pourtant si sec, amour de soi à travers l'autre, amour désertique de la jeunesse, sans pitié ni lumière - voyez ces deux, toutes glandes sécrétantes, se haïssant à faire surgir l'enfer, bétail exaspéré, râpant le sol du sabot, et encore une scène de ménage chez les voisins des Zimmerman, la femme pleure, l'homme crie, ils se disent des épouvantes et le soir car jeunes et hormonaux, coït aussi furieux que la scène juste avant, comme ça jusqu'à ce que ça cesse, les pauvres n'y peuvent rien, que cesse la harcelante foulée du sang et l'amertume du désir qui est désir de guerre, et la bandaison âcre de l'arc du dingue demi-dieu fils de Vénus: on trouve rarement plus de haine que dans l'amour d'un couple qui a l'âge de le faire, témoigner de la chose une fois de plus, clore la digression et pardonner cette jeunesse à bec, ongles, ergots et turgescences diverses, si la pétoire ne surgit pas de quelque part c'est déjà une chance et un fait divers de moins - les mots suffisent en général. Le vieux et la vieille préparent les gâteaux du vendredi du shabbat de la même main lourde et pourtant sûre. Ô mon père qui est mort sans être vieux. Ô moi qui souffre et me reproche quelque jeunesse encore, par-ci par-là. Ô ces deux qui allument les bougies du shabbat et sourient dans la nigauderie du seul amour fou, amour qui ne pèse rien, toujours présent pourtant comme elle qui le regarde écrire ou merveilleusement cuire l'aubergine et la boulette de viande, amour de père et fille, mère et fils, prodigue grâce, bonté chaque jour étonnée devant l'autre et ancien ennemi.»




Société des Gens de Lettres
Grands prix de printemps
1999

le 7 juin 1999
Hôtel de Massa, Paris.

C'est André Malraux qui porta Muriel Cerf sur les fonts baptismaux de la littérature, lors de la publication de "L'Antivoyage", en 1974.

De ces années-là, elle fut une des figures de proue, défrayant la chronique par son jeune talent et quelquefois par ses frasques.
Le temps a passé et Muriel Cerf s'est détachée de ces vanités. Le brillant trublion s'est métamorphosé en un écrivain secret, voué à une quête désormais tout intérieure, à la poursuite d'une oeuvre authentique et rigoureuse.

Elle a forgé sa langue et son style, et tout ce qui naît de sa plume en témoigne. Elle est de ces rares auteurs qu'on reconnaît en quelques phrases.

Je ne vous résumerai pas "Une Vie sans secret", la nouvelle tendre et grave, ironique et profonde, qui vaut aujourd'hui à Muriel Cerf le Grand Prix de la Nouvelle de la SGDL.
Je préfère m'effacer derrière ses mots, derrière ses héros...

Georges-Olivier Châteaureynaud








Une vie sans secret






Le Relais
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