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Le Verrou

Le Verrou





Le Verrou


« C'est cette scène que je revois sous la neige, aveuglé par la neige et marchant, c'est cette enfant, l'indécence inexplicable de cette enfant dans la salle du palace que je revois, de plus en plus près, comme par l'effet d'un zoom photographique. Elle a du rouge à lèvres, emprunté à sa mère comme elle a emprunté la jupe qui n'est pas à sa taille à une cousine ou voisine, qu'est-ce qu'on sait, un rouge grenat qui lui saigne les lèvres, qui la fait paraître encore plus pâle. Aucun autre fard, ses cils sont clairs sur ses yeux bleu-noir. Avec le haillon flasque de la jupe à lés sombre, elle porte un corsage qui contraste, un corsage de gosse à manches ballons et col Claudine, empesé par le fer. Le corsage est d'un rose tendre, dont la manche ballon s'évase, trop grande, à son coude osseux. Les chaussures sont des ballerines de daim éculées et aussi lustrées que la jupe. Rien d'elle ne m'a échappé, comme si mes yeux avaient déjà aspiré et bu chaque détail d'une grâce qui blesse comme le gel, le silex. Elle a des mains de petite guenon, abîmées, sans ongles, elle se les ronge, je l'ai vu aussi précisément que les motifs des dentelles du porte-jarretelles qui tient on ne sait comment à ses hanches de garçon, et la transparence de la culotte, incrustée des mêmes arabesques noires - à cause de la prestesse de son geste qui évoque autant celui, mécanique, d'une folle, que celui, tactique, d'une Phryné, je n'ai pu que deviner, sous l'écran ombreux de la culotte, la fente brève d'un sexe poli et nu, ou à peine duveté ou rasé, qui ressemble à une amande fraîche. Il y a aussi ce bas gauche qui a filé, dont l'échelle escalade sa jambe à la cuisse creuse de maigreur, ce sont des jambes sublimes, ces jambes, pour rester du côté de chez Andersen, sont douloureusement sublimes comme celles de la petite sirène après qu'elle s'est fait trancher sa queue de poisson, loin sous la mer, loin sous la terre, pour l'amour d'un prince qui vit dessus. Ces jambes disent déjà la cruauté. Elles sont, jusqu'à l'aine et la hanche, comme excavées au couteau dans un matériau particulier, un genre de cristal noir, et les bas noirs renforcent cet effet de la maigreur. Les pommettes saillent de cette maigreur, encore plus quand elle sourit et elle ne doit pas sourire souvent, c'est une idée que j'ai, même souriante elle a la gravité extrême des enfants. Seule reste de la chair sur sa bouche peinte, trop grande pour son visage, une bouche comme une tranche de mangue presque noire tant le rouge à lèvres est foncé, une bouche de pipeuse, aussi. A ce moment de cette nuit-là je ne pense qu'à la trouver, lui donner de l'argent. Qu'elle ouvre cette bouche pour de l'argent, qu'elle l'ouvre pour me parler, se laisser nourrir, qu'elle l'ouvre contre la mienne.»



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